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Les centres de documentation et les nouvelles technologies

1995
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    Par Marc Chauveinc
    Alain Vuillemin, sous la dir. de
    Jacques Treffel, présenté par

    Les centres de documentation et les nouvelles technologies

    Guide d'implantation et d'extension des centres de ressources multimédias

    Paris : La Documentation française, 1994. - 371 p. ; 24 cm. ISBN 2-11-003158-1. Prix : 100 F.

    Ce livre arrive couvert des plus hautes bénédictions possibles : celle de Jacques Treffel, inspecteur général de l'Éducation nationale, celle d'Alain Vuillemin, professeur à l'université d'Artois, celle de Pierre Pelou, directeur de la Bibliothèque des Nations unies, celle du Groupe permanent d'étude des marchés publics A/B, celle de la Commission de coordination de la documentation administrative, celle de la Commission centrale des marchés, celle, enfin, de la Documentation française qui l'édite. Il est le résultat d'un long processus de réflexion sur les mutations de la documentation induites par les nouvelles technologies. En 1985 et en 1987, deux livres l'ont précédé dans cette réflexion : Les Nouvelles Technologies de la documentation et de l'information et Innovation et nouvelles technologies de l'information. Les auteurs se sont fixé comme objectif de présenter les processus de rationalisation et de modernisation des techniques documentaires sous la forme d'un guide d'équipement et d'organisation des centres de ressources documentaires.

    La première partie définit le cadre général de cette réflexion, c'est-à-dire l'évolution de la documentation, le devenir de l'information et les principaux secteurs d'activités documentaires. Mais il est aujourd'hui assez élémentaire d'écrire que la documentation a été profondément transformée par l'innovation technologique. Elle est devenue affaire de spécialistes et s'est internationalisée. Par ailleurs, et c'est sa principale caractéristique, l'innovation conduit à l'intégration à la fois des techniques (micro-informatique, mémoires optiques et télécommunications) et des différentes formes de documents avec la disparition des frontières entre les supports. Elle conduit donc au multimédia. D'où, disent les auteurs, le passage d'un centre de documentation statique à un centre de ressources plus dynamique et à la nouvelle appellation de « technologies de l'intelligence ". Ces entreprises d'information (car les centres sont devenus des entreprises) reçoivent une information - matière première », la retraitent et la redistribuent comme un produit fini adapté au client. Plusieurs chapitres recensent les centres de documentation (18 000), dans l'administration et le secteur privé, les attentes des clients, les prestations des centres, les banques de données et les services d'information. Il est surprenant que, sous ce dernier titre, ne soient décrits que le minitel et les services Télétel. Rien sur les services étrangers ni sur Internet.

    De même est décrite en détail la documentation audiovisuelle (collecte, classement, stockage, diffusion) avant de passer à la documentation immatérielle. Bien que très utilisé, ce mot, comme celui de virtuel, ne peut que faire sursauter, car l'enregistrement informatique de données n'a rien d'immatériel et les conférences rien de virtuelles. Il suffit d'avoir perdu un fichier informatique pour savoir qu'il était bien physiquement sur un support matériel, même si on ne le voit pas à l'oeil nu. Il est peut-être volatil mais pas immatériel. Plusieurs chapitres nous parlent ensuite de la gestion électronique de l'information ou d'archives immatérielles, ce qui, concrètement, veut dire le stockage électronique et la recherche des documents d'archives dans une entreprise ou dans une administration. Les quelques exemples donnés montrent qu'il s'agit simplement de charger sur un micro-ordinateur des textes réglementaires, des statuts de personnel et autres instructions puis de les rechercher. Mais pourquoi écrire : « Ainsi, l'ordre qui régit les textes les uns par rapport aux autres et qui se manifeste à travers une structure arborescente, véritable plage d'identité des ensembles textuels, renvoie à une information qui est un objet statique, saisi a posteriori dans sa visée particulière et originale dans le cas de l'information à statut documentaire » ? D'autant plus que suit un cours sommaire mais clair d'archivistique (savoir trier les archives selon la durée de leur conservation) et une réflexion intéressante, mais pas nouvelle, sur la faible durabilité et l'évolution trop rapide des supports informatiques qui risquent de conduire à une catastrophe documentaire.

    La troisième section décrit rapidement un certain nombre de centres de documentation dans l'administration, les collectivités territoriales, les enseignements secondaires et supérieurs, le secteur défense, les hôpitaux. Pour l'enseignement supérieur, seuls les services audiovisuels sont pris en compte. Pourquoi ne sont mentionnées ni les BU ni les BUFR ? Cela fait un peu penser à un inventaire à la Prévert où sont mélangés le SIRPA, le CEDOCAR, les dossiers médicaux, les centres d'archivage municipaux, les CDI, les unités documentaires des administrations, sans liaison apparente entre ces services qui sont décrits par les fiches trop sommaires pour être vraiment utiles.

    La deuxième partie est consacrée au « projet », avec son élaboration, sa conduite et l'utilisation des normes. Elle fournit des conseils utiles à tout futur utilisateur de l'informatique. Puis on passe avec surprise au concept et à l'aménagement de l'espace avec des conseils pratiques sur le volume, le mobilier, les espaces, la lumière. On ne voit pas très bien ce que cela fait dans un livre sur les nouvelles technologies. Sept chapitres sont ensuite consacrés aux aspects juridiques des bases de données. Y sont rappelées les règles du droit d'auteur, la CNIL, la directive européenne, les pratiques contractuelles et les obligations juridiques et administratives de tout créateur de bases de données. Il y a une certaine redondance entre ces chapitres qui traitent du même sujet de points de vue différents.

    Enfin, la dernière section décrit l'éventail des technologies. Mais on en sort un peu déçu, puisqu'elle commence par un long chapitre sur la micrographie avec des détails techniques sur la prise de vue et le traitement des films, alors que la microfiche ne fait pas, à proprement parler, partie des « nouvelles » technologies. Puis sont décrites les mémoires magnétiques et les mémoires optiques. Avec quelques détails troublants comme les 650 pages A4 stockées sur une microfiche, les 6 x 105 (600 000) octets sur une disquette, ou la « mémorisation informatique [qui] utilise presque uniquement le langage binaire Il est aussi affirmé que 40 à 80 Mo sont suffisants pour une utilisation individuelle, alors qu'on en est maintenant à 500 ou 800 Mo sur un micro-ordinateur personnel. Après le vidéodisque, bien décrit, le réseau Numéris fait l'objet d'un chapitre, mais il n'est question ni de Renater, ni encore moins d'Internet. Pourquoi ? De même sont décevants les chapitres sur les logiciels documentaires car sont seulement énumérées les fonctions bibliothéconomiques et documentaires que doivent réaliser ces logiciels et les critères devant guider le choix. Une description détaillée et critique des différents logiciels aurait été sûrement plus utile.

    Après un titre très alléchant, la lecture de ce livre est donc décevante car il est soit trop théorique soit trop concret. On se demande, en conclusion, quel peut être le public destinataire de cet ouvrage. S'il s'adresse aux responsables de petits centres documentaires peu au fait de l'archivage électronique, il est alors trop détaillé car ceux-ci choisiront un système en fonction des propositions des fournisseurs ou des instructions du service informatique de l'organisme. Le seul argument de choix important donné est que le support le plus pérenne est la microfiche. S'il s'adresse aux responsables de grands centres, il est insuffisant et trop souvent confus. La distinction n'est pas clairement explicitée entre des centres d'archivage municipaux ou privés et les centres proprement documentaires, c'est-à-dire ceux qui rassemblent une documentation extérieure à des fins scientifiques. Sont ici rassemblés les CDI, les BCD, les services AV des universités (?), le SIRPA, le CEDOCAR, les archives médicales et hospitalières, les archives municipales, celles des administrations centrales, la SNCF, etc. N'est-ce pas un peu hétéroclite et quel rapport entre le CEDOCAR et un CDI ? Les éditeurs auraient dû faire le ménage en supprimant les chapitres hors sujet, comme ceux sur le mobilier, en évitant les redondances entre les chapitres juridiques et en développant des chapitres sur les réseaux, les bases étrangères et les logiciels disponibles sur le marché.

    Encore une fois, on ne peut que le regretter car l'ouvrage est ambitieux et fortement appuyé.