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    Les pratiques de récupérations bibliographiques

    Résultats de deux enquêtes

    Par Anne Curt
    Par Dominique Lahary
    En juillet et octobre 1993, la commission "Information bibliographique" de l'ABF a successivement adressé deux questionnaires, d'abord aux bibliothèques pu- bliques, puis aux bibliothèques universitaires, spécialisées et de grands éta- blissements. Le but de ces enquêtes était de déterminer quelles étaient réellement les pratiques de récupérations bibliographiques des bibliothèques publiques, et, cor- rélativement, quelle part elles donnaient au catalogage local. Incidemment, c'était aussi l'occasion de faire le point sur la diffusion des différents logiciels et les pra- tiques locales de catalogage et d'indexation. Le résultat de ces deux enquêtes, im- parfaites dans leur conception et dans le taux de réponse qu'elles ont obtenu, n'en est pas moins révélateur des pratiques et des besoins actuels des établissements, sinon de leurs publics. C'est pourquoi il nous a semblé fournir la matière à une introduction au dossier présenté dans ce numéro.

    Les bibliothèques publiques

    Taux de réponse

    Cette enquête ne s'adressant qu'aux bibliothèques informatisées ou en pro- jet d'informatisation, le taux de réponse par rapport au nombre d'envois de questionnaires n'a pas de sens. L'en- quête a été adressée à toutes les BM de villes de plus de 10 000 habitants, toutes les BDP et à un certain nombre de bibliothèques de CE. Nous avons re- çu 253 réponses dont 225 de biblio- thèques informatisées et 28 de biblio- thèques en projet d'informatisation et 234 réponses de BM et BDP, ce qui re- présente, si on confronte à l'enquête de la DLL portant sur l'année 1992 (1) , un taux de 48 % qui peut être considéré comme tout à fait satisfaisant. Il convient cependant de le pondérer en raison de l'écart de deux années entre les deux enquêtes. Les bibliothèques de CE ont très peu répondu.

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    Réponses au questionnaire

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    Tableau 1

    L'informatisation des bibliothèques

    Si on observe l'année de dernière in- formatisation citée par les établisse- ments, on observe une accélération spectaculaire du mouvement : 88 infor- matisations datent d'avant 1990, 46 de 1990 et 1991, 64 de 1992 et 1993. Mais il est probable que la relative technicité du questionnaire a suscité un taux de réponse supérieur de la part des éta- blissements les plus récemment infor- matisés. Sur les 253 répondant, 166 (les deux tiers) ont rempli la grille détaillée relative aux récupérations. Le palmarès des logiciels recoupe les enseignements de l'enquête de la DLL, avec quelques distorsions dues à la percée récente de quelques produits.

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    Tableau 2

    Les projets de réinformatisation permet- tent de tirer d'intéressants enseignements (cf tableau 2).

    L'indexation matière

    Avec 68 réponses contre 144 pour l'in- dexation Danset/Blanc-Montmayeur, la liste RAMEAU occupe une place encore minoritaire mais spectaculairement im- portante. Pour les informatisations ef- fectuées à partir de 1990, RAMEAU est à égalité avec la liste Danset/Blanc- Montmayeur. Quant aux pratiques de récupération, elles divergent remarqua- blement selon qu'on recourt à l'une ou l'autre liste : 9 % des établissements in- dexant en Danset disent récupérer au- tant que possible les vedettes matière, contre 75 % des établissements in- dexant en RAMEAU. La place des autres indexations et des établissements n'ef- fectuant pas d'indexation matière est marginale.

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    Indexation matière

    Le catalogage rétrospectif

    En matière de récupération des notices de monographies imprimées, ce qui frappe, c'est la prépondérance du CD- ROM, et parmi les établissements y ayant recours de celui de la Bibliographie na- tionale française (98 contre 27). Au total, la base de la BN alimente ou alimentera 110 établissements et celle d'ELECTRE 28, dont 21 ont également recours à la BN. Cette dernière base apparaît donc comme complémentaire plutôt que comme source unique d'une politique de récupération. Un petit nombre de bibliothèques a recours au catalogue d'un autre établissement. La récupéra- tion par bande ou disquette est rare, l'utilisation du serveur bibliographique national (SBN) très rare.

    Finalement, la pratique du catalogage " massif - c'est-à-dire privilégié par rap- port à la récupération, voire s'y substi- tuant totalement, est minoritaire dans les établissements ayant répondu au ques- tionnaire : 47 établissements déclarent le pratiquer ou projeter de le pratiquer contre 83 le catalogage limité aux notices non récupérables. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le choix entre ces deux politiques ne dépend pas de la taille de la base. La pratique du catalogage lo- cal systématique est même revendiqué dans deux cas de figure opposés : les pe- tites bibliothèques ou les grands réseaux (Ville de Paris).

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    Sources du catalogage rétrospectif

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    Catalogage local rétrospectif

    Le catalogage courant

    On retrouve en matière de catalogage courant la même prépondérance des CD-ROM d'une part, de la base de la BNF (2) d'autre part, mais de façon moins marquée (76 BNF contre 29 ELECTRE dont 14 utilisations conjointes des deux sources). Le SBN est quasiment absent du paysage, même dans les projets.

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    Sources de récupération pour le catalogage courant

    Mais la tendance s'inverse en ce qui concerne le catalogage local. Il reste prépondérant : 68 établissements décla- rent pratiquer ou vouloir pratiquer le catalogage local massif, et 62 le limiter aux notices non récupérables, tandis que 27 pratiquent ou prévoient un ca- talogage minimal en attendant récupé- ration. Quant à l'écrasement de notices provisoires par des notices définitives récupérées, 40 établissements l'effec- tuent ou l'envisagent. Ces politiques sont d'autant plus répandues que l'in- formatisation est récente.

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    Catalogage courant

    La comparaison entre pratiques de cata- logage courant et rétrospectif confirme cette asymétrie. Si les adeptes du catalo- gage courant limité suivent à 47 contre 7 la politique qu'ils avaient établie pour la constitution initiale de leur catalogue, la moitié (20 contre 19) des établissements pratiquant le catalogage local massif avaient effectué leur catalogage rétros- pectif en limitant la création locale aux notices non récupérables.

    Les documents sonores

    Dans ce domaine, la situation est radi- calement différente. On compte 57 éta- blissements pratiquant le catalogage massif contre 9 le catalogage limité. Les chiffres sont identiques pour le courant et le rétrospectif. En ce qui concerne les sources de récupération, on note la prépondérance du GAM, OCLC commençant à être présent sur le mar- ché et le SBN n'étant pratiquement pas utilisé. Certains, opiniâtres, ont même inclus dans leurs prévisions un CD-ROM de la base BN-OPALINE.

    Conclusion

    Cette enquête, dont les résultats en rai- son du taux de réponse satisfaisant, mais partiel, doivent être examinés avec précaution, révèle un paysage contras- té, avec la coexistence de politiques di- vergentes, mais aussi un accroissement des pratiques de récupération influant sur les pratiques d'indexation. Ces po- litiques restent cependant handicapées dans le catalogage courant par le pro- blème de la « fraîcheur », tandis que la situation reste dramatiquement bloquée dans le domaine des documents so- nores.

    Finalement, les pratiques des biblio- thèques publiques informatisées lais- sent apparaître deux lignes de fracture. Fracture entre le catalogage rétrospectif (recours massif aux sources extérieures) et catalogage courant (les établisse- ments se partageant par moitié entre ceux pratiquant le catalogage local sys- tématique et ceux ayant recours aux ré- servoirs bibliographiques). Fracture en- tre les monographies imprimées, pour lesquelles les pratiques de récupération sont de plus en plus fréquentes, et les documents sonores, où le catalogage local reste massivement pratiqué. Il se- rait faux de penser que ces deux frac- tures sont dues à la volonté délibérée des bibliothécaires. Bien que le catalo- gage local conserve ses partisans, dans des cas de figure très différents (petit établissement ou au contraire grand ré- seau), il est clair que la raison de la première ligne de fracture, c'est l'ab- sence de fraîcheur de l'information bibliographique disponible, et que celle de la seconde, c'est l'absence de poli- tique de diffusion massive de notices des non-livres.

    Les bibliothèques universitaires spécialisées

    Taux de réponse

    Le questionnaire adressé aux biblio- thèques publiques a été revu et adapté pour mieux cerner les besoins des bibliothèques universitaires et spéciali- sées. Les bibliothèques y ont répondu dans des délais assez brefs et l'enquête a reçu un taux de réponse supérieur à 50 %. Une analyse plus détaillée figure en annexe faute de tableaux, les biblio- thécaires de l'ABF ne disposant pas tou- jours chez eux des outils performants que possèdent les bibliothèques (logi- ciels graphiques, tableurs, SGBD...).

    Catalogage rétrospectif

    Les bibliothèques essaient de récupérer le plus possible de notices, lors de leur conversion rétrospective, quel que soit le réservoir bibliographique auquel elles participent et s'approvisionnent. Lorsqu'elles n'ont pas de collections trop importantes, elles effectuent rela- tivement vite leur conversion à partir de la récupération des notices du CD-ROM de la BNF ou des CDMARC biblio- graphique de la Bibliothèque du Congrès ou de ceux d'OCLC. Elles ré- cupèrent également une partie de leur conversion rétrospective directement en ligne à partir d'OCLC, de BN-OPALE, de SIBIL et de RERO (répertoire Ro- mand). Elles s'adressent souvent à des sociétés de service pour résoudre leurs problèmes de moyens.

    Catalogage courant

    La majorité des bibliothèques (40/42) n'utilisent pas le SBN (serveur biblio- graphique national) et une minorité en- visage de le faire dans le futur (9) Par contre, elles sont 44 sur 48 à utiliser une source bibliographique de catalo- gage, se répartissant assez harmonieu- sement entre BN-OPALE, OCLC et SIBIL, ce qui ne reflète pas exactement la réa- lité (cf. dépouillement de l'enquête p. 193). Leur choix d'une base biblio- graphique repose sur des tests de re- couvrement mais il semble évident, se- lon l'enquête, qu'il a aussi des bases historiques en fonction de la disponi- bilité de celles-ci en France entre 1984 et aujourd'hui.

    Indexation

    Les bibliothèques indexent les docu- ments majoritairement selon RAMEAU et MESH, récupérant indexation et notices autant que possible. Cependant, quel- ques établissements (8) réindexent leurs documents selon les classifica- tions spécialisées de leur domaine. Cer- taines réindexent des notices dont les vedettes sont en anglais.

    Informatisation

    L'informatisation des bibliothèques uni- versitaires ou spécialisées est souvent très primaire, modulaire, voire inexis- tante. Seulement 15 systèmes intégrés de bibliothèques ont été, pour la plu- part, installés récemment, s'ils ne sont pas encore en cours d'installation... L'informatisation semble donc très en retard par rapport à celle des biblio- thèques publiques, malgré un réel effort du ministère de l'Enseignement supé- rieur et de la Recherche depuis 1990. Les établissements privilégient nette- ment le travail interne, oubliant, quel- quefois complètement, la consultation publique et la collecte des statistiques pour un contrôle de gestion de qualité des services documentaires.

    Les bibliothèques, cependant, rattra- pent le temps perdu à la vitesse crois- sante des réseaux de communication et commencent à participer activement à RENATER (elles sont déjà 11). trente- neuf d'entre elles se connectent aux ser- veurs et travaillent dans les réservoirs par TRANSPAC ou par des lignes spécia- lisées.

    Souhaits

    Plus des trois quarts des établissements désirent que la Bibliothèque nationale de France édite ses catalogues sur CD- ROM, la BNF bien sûr, mais OPALINE, ce- lui de BN-OPALE depuis 1970, plus en- core, la conversion rétrospective de la Bibliothèque nationale de France des origines à 1969. Presque unanimement réclament un CD-ROM des autorités. Ce dernier servira-t-il à contrôler efficace- ment les accès des catalogues ?

    Conclusion

    Ces résultats qu'il faut analyser avec prudence révèlent que les biblio- thèques universitaires et spécialisées, bien qu'en retard d'une dizaine d'an- nées pour l'informatisation locale par rapport aux bibliothèques publiques, savent constituer efficacement leurs ca- talogues en puisant aux sources les plus pertinentes. SIBIL étant en voie de dis- parition, les établissements sont plus nombreux à souhaiter participer à BN- OPALE et à désirer puiser dans plusieurs sources à la fois.

    Trente-trois établissements ont exprimé leur besoin d'information en deman- dant un dossier technique à l'ABF sur l'information bibliographique, dossier qu'ils vont trouver dans ce numéro du Bulletin, à jour en avril 1994.

    1. L'équipement informatique des bibliothèques municipales et départementales : évaluation 1992, ministère de la Culture et de la Francophonie. Di- rection du livre et de la lecture. - Paris : DLL, 1992. retour au texte

    2. CD-ROMde la Bibliographie nationale française ou base BN-OPALE pour les requêtes sur bande. Pour le développement des sigles, se reporter au vocabulaire. retour au texte